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CHU d’Angers | Vers une expérimentation animale plus souvent virtuelle ?

26 novembre 2021

L’expérimentation animale (EA) occupe une place prépondérante dans la recherche scientifique fondamentale ou appliquée. Plus de 2 millions d’animaux sont utilisés en France chaque année dans le cadre de travaux scientifiques. Cette forme d’expérimentation est aujourd’hui considérée comme indispensable à la progression des connaissances médicales et au développement de nouvelles thérapeutiques, mais c’est un domaine hautement contrôlé et il existe une réglementation visant à ne pas utiliser plus d’animaux que nécessaire (Directive 2010/63/UE). La règle qui fait consensus est celle des 3R, un principe de bioéthique introduit dès 1959 par W.M.S. Russell et R.L. Burch, qui vise à “Réduire” au maximum le nombre d’animaux utilisés, « Raffiner » la méthodologie choisie et enfin “Remplacer” les animaux par des méthodes alternatives si cela est possible.

Même si ce principe est un socle sur lequel reposent toutes les recherches actuelles en EA, des associations de protection des animaux ainsi qu’une part importante de l’opinion publique se positionnent pour une réduction encore plus importante du nombre d’animaux utilisés dans la recherche scientifique. Réduire le nombre d’animaux a conduit à chercher et étudier des alternatives crédibles à l’EA, mais peu de travaux à ce jour ont quantifié la possible diminution du nombre d’animaux dans la recherche si l’on recourait à l’utilisation d’animaux virtuels.

Le CHU d’Angers dispose au centre de simulation en santé All’Sims (www.all-sims.fr) d’une table AnatomageR (www.anatomage.com) qui permet d’étudier l’anatomie et l’histologie humaines, mais aussi une grande diversité d’animaux. Cette table est un outil d’apprentissage important pour les étudiants en médecine de second cycle. Depuis quelques années, cette table est également utilisée pour faire découvrir l’anatomie de certains animaux de laboratoire (mammifères, dont les rongeurs, ou autres) aux étudiants en sciences. Les travaux pratiques conduits par J. Bourreau (technicienne de recherche INSERM dans l’équipe CarMe de l’unité MitoVasc et référente EA) sur la table AnatomageR évitent le sacrifice d’animaux aux seules fins de découverte de l’anatomie, en accord avec la directive 2010/63/UE.

Le CHU d’Angers a fait l’hypothèse que les outils virtuels pourraient également être utilisés par les chercheurs des disciplines biomédicales pour réduire le nombre d’animaux sacrifiés lors des protocoles de recherche, par exemple pour élaborer des voies d’abord chirurgicales ou s’entraîner à des manœuvres procédurales.

A. De Graeve et A. Cadic, étudiants en M1 à la Faculté de Santé, ont cherché à savoir combien d’animaux auraient pu être épargnés dans les expérimentations de l’équipe CarMe (MitoVasc, UMR INSERM 1083 CNRS 6214) entre 2015 et 2019 si la table AnatomageR avait été utilisée par les chercheurs de cette unité pour concevoir leurs travaux. Ils ont eu accès aux dossiers des études ayant fait l’objet d’une autorisation d’utilisation des animaux à des fins scientifiques par le comité d’éthique en EA des Pays de la Loire et le ministère de la recherche (Répertoire APAFIS). Pour chaque étude ils ont extrait les procédures conduites, le nombre d’animaux utilisés et leur devenir à la fin de chaque procédure. Pour chacune des procédures intéressantes du fait des gestes chirurgicaux effectués et des pertes animales importantes engendrées, J. Bourreau a estimé le pourcentage d’animaux qui aurait pu être épargnés si l’étude avait compris un entraînement utilisant la table AnatomageR. 38 études ont été répertoriées. Parmi celles-ci, 24 contenaient des procédures susceptibles d’être désignées en utilisant la table AnatomageR afin de réduire le nombre d’animaux. 1883 animaux auraient pu ne pas être sacrifiés au sein de l’équipe CarMe entre 2015 et 2019, ce qui représente 10,2% des animaux utilisés pendant cette période…

Le développement d’études in vitro, in silico ainsi que les progrès en imagerie du petit animal permettent d’épargner un nombre important d’animaux de laboratoire. Ce travail n’est que préliminaire et nécessite d’être reproduit de façon prospective avant toute conclusion définitive, mais il est permet d’imaginer qu’une réduction importante du nombre d’animaux peut également être obtenue en utilisant des outils d’anatomie virtuelle. Adaptons à l’EA l’impératif éthique de la simulation en santé : « jamais la première fois sur l’animal de laboratoire ! »

Source : CHU ANGERS