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Oncologie : la lumière infrarouge pourrait aider les chirurgiens à mieux voir les tumeurs pendant les opérations

18 juin 2021

Le centre médical universitaire de Groningen (University Medical Center Groningen, UMCG) et la société Kaer Labs annoncent le démarrage d’une collaboration pour évaluer la fluorescence NIR-II pour la recherche biomédicale et le guidage chirurgical.

Dans les 10 dernières années, le guidage chirurgical par l’imagerie de fluorescence a connu un intérêt croissant. La technique a été essentiellement développée pour permettre aux chirurgiens de voir les tumeurs durant les opérations chirurgicales. Cette technique nécessite l’utilisation d’une molécule avec les propriétés suivantes :

  • la capacité à se fixer spécifiquement sur la tumeur qui doit être enlevé
  • la capacité de pouvoir être détectée et imagée, grâce à des propriétés de fluorescence

Une instrumentation dédiée, à savoir des caméras de fluorescence per opératoires, peuvent alors être utilisées pour révéler la présence de la molécules dans les tissus et ainsi informer le chirurgien de la position et de l’étendue de la tumeur, directement au bloc opératoire et pendant l’opération. Malheureusement, le type de fluorescence actuellement utilisé, dans la région proche infrarouge (NIR-I), fournit des performances limitées en termes de profondeur de pénétration et de résolution : les petites tumeurs, ou les tumeurs situées en profondeur sont difficilement détectables.

L’imagerie de fluorescence dans le domaine proche infrarouge (NIR-I, de 700 à 950 nm) est en effet limitée par un rapport signal / fond modérés et une faible pénétration dans les tissus. De ce fait, son utilisation clinique pour l’obtention d’une information détaillée sur les processus physiologiques ou pathologiques, et notamment le système vasculaire, reste limitée. Récemment, une nouvelle technique est apparue avec l’imagerie de fluorescence infrarouge, dite NIR-II (900 nm à 1700 nm), offrant les avantages d’un faible bruit de fond, une résolution spatiale élevée et une meilleure pénétration dans les tissus. L’atténuation des photons et leur diffusion par les tissus biologiques, et l’autofluorescence de ces mêmes tissus diminuent notablement lorsque l’imagerie est faite avec des longueurs d’onde croissantes. L’imagerie de fluorescence NIR-II ouvre ainsi de nouvelles perspectives excitantes pour l’imagerie en recherche biomédicale par comparaison avec les autres modalités d’imagerie optique.

La collaboration cherche à évaluer la performance de la fluorescence NIR-II pour la recherche biomédicale et le guidage chirurgical clinique expérimental. Elle débutera par l’évaluation de la capacité de la fluorescence NIR-II à visualiser la fluorescence de la molécule cetuximab-800CW in vitro, à la fois sur des coupes de tissus, et sur des échantillons juste réséquées de patients injectés avec cetuximab-800CW. Les résultats obtenus à la fois par la fluorescence proche infrarouge (NIR-I) et infrarouge (NIR-II) seront comparés pour voir si les avantages de l’imagerie NIR-II amène une amélioration de l’évaluation des marges.

L’UMCG et Kaer Labs prévoient également d’utiliser la caméra NIR-II de Kaer Labs in vivo durant les opérations chirurgicales. Le système sera utilisé pour évaluer la perfusion de la glande parathyroïde dans le but d’éviter l’hypoparathyroïdisme, une complication grave des chirurgies thyroïdiennes. La projet pourra également inclure le guidage chirurgical de fluorescence in vivo pour l’évaluation des marges de résection, et la détection des ganglions lymphatiques métastatiques dans différents types de cancer après injection de molécules fluorescentes comme le bevacizumab-800CW et le cetixumab-800CW.

La fluorescence devient de plus en plus importante pour nombre de chirurgies oncologiques, pour guider les chirurgiens durant la résection de la tumeur ou aider à l’évaluation de la fonction d’un organe”, déclare Schelto Kruijff, chirurgien oncologue et investigateur principal de l’UMCG pour le projet. “Nous avons vu des avancées majeurs avec le développement et l’utilisation de molécules spécifiques, qui fournissent désormais une information plus fiable pour la question des marges tumorales, par exemple. Un des avantages clés du NIR-II, qui pourrait favoriser son adoption rapide, est qu’il est possible d’utiliser les mêmes procédures déjà validées pour le NIR-I, car l’instrumentation est très similaire d’utilisation, et plusieurs agents fluorescents NIR-I sont également compatibles NIR-II; et en même temps, le NIR-II a le potentiel d’améliorer les performances de détection et par suite la précision de l’information fournie au chirurgien. Bien que ce projet soit une évaluation préliminaire du NIR-II, nous estimons que de tels projets de recherche sont importants pour notre effort de développer et valider les techniques les plus pertinentes pour le guidage chirurgical par l’imagerie. »

Depuis la date de notre publication dans Nature Medicine, en 2011, où nous avons montré que l’imagerie de la fluorescence spécifique aux tumeurs pouvait améliorer la visualisation de ces tumeurs, ouvrant la voie à la détermination des marges de résection appropriées par utilisation de l’imagerie optique, les attentes des chirurgiens sont allées croissantes” déclare le Prof. dr. Go Van Dam, chirurgien oncologue et Prof. de chirurgie à l’université de Groningen, qui a publié la première application clinique de la fluorescence ciblée. “Il y a malheureusement toujours des limitations importantes qui freinent l’adoption plus large et plus rapide de la technique. La fluorescence proche infrarouge (NIR-I), bien qu’elle soit déjà une amélioration par comparaison à la fluorescence dite “visible”, est loin d’être idéale en termes de performances optiques pour imager les tissus biologiques. L’amélioration de la fluorescence NIR-II sur la qualité des images pourrait donc être un facteur clé pour répondre aux attentes des chirurgiens et les aider à mieux voir les tumeurs. Je suis heureux de voir que le travail autour de l’imagerie optique moléculaire, que nous avons initié à l’UMCG, est aujourd’hui poursuivi par le Prof. dr. S. Kruijff, avec cet exemple de collaboration avec la société Kaer Labs.

Nous sommes très heureux de ce projet et de cette collaboration”, déclare le CEO de Kaer Labs, Pierre-Alix Dancer. “Il est particulièrement important pour nous de mettre notre instrumentation NIR-II dans les mains de chercheurs comme ceux de l’équipe du Prof. dr. Schelto Kruijff: ils ont l’expérience de l’évaluation de progrès techniques et savent transformer de tels progrès en pratiques chirurgicales pertinentes. La fluorescence NIR-II peut générer de grands espoirs, mais nous voulons identifier rapidement et précisément les applications pour lesquelles elle va réellement avoir un impact et bénéficier à la recherche biomédicale, et, plus tard, à la pratique clinique.

 

COMMUNIQUÉ DE PRESSE